Alain Eschenlauer

Alain Eschenlauer

Alain Eschenlauer
Meandrina filograna
Technique mixte: Acrylique, encre et fil

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Marie Meister
Biologie
Musée Zoologique de Strasbourg

Je suis biologiste et j’ai passé de nombreuses années à étudier les mécanismes immunitaires. Mais depuis plus de 13 ans j’ai rejoint le musée zoologique de ma ville et ses collections, où je travaille à préserver, inventorier et valoriser un patrimoine scientifique d’une richesse inestimable, qui s’est constitué sur plus de 250 ans. Ce patrimoine témoigne à la fois de la curiosité insatiable d’Homo sapiens envers la nature qui l’héberge, et de sa propension à la détruire puisque nombre de nos spécimens correspondent à des espèces disparues ou gravement menacées de son fait.

Je suis toujours surprise de voir à quel point ce matériel inerte, témoin de vies passées, exerce un attrait puissant sur de nombreux artistes, photographes, peintres, sculpteurs, qui viennent tenter d’en saisir l’essence à travers leurs œuvres, leurs regards.

Le monde dans lequel je vis au quotidien combine ainsi les deux facettes de nos cultures qui à mes yeux sauvent en partie notre espèce d’un opprobre par ailleurs bien mérité, à savoir la Science et l’Art. La Science qui pousse l’homme à tenter de comprendre le monde dans lequel il évolue : l’infiniment petit, les molécules, le vivant, les cellules, les organismes, les milieux naturels, l’histoire de la planète, mais aussi l’espace, les astres, les galaxies, l’infiniment grand, et toutes les lois qui régissent l’ensemble de ces éléments. Et l’Art qui permet d’en sublimer la Beauté et de nous faire oublier un instant, ou au contraire de nous faire prendre conscience, que tout ce qui nous entoure porte en soi sa propre fin, une mort inhérente à son existence même.

Alain a choisi de représenter des Cnidaires à travers un madrépore et une gorgone, des organismes marins somptueux, qui sont aujourd’hui menacés par les activités humaines incontrôlées. L’embranchement des Cnidaires regroupe des animaux apparus il y a près de 600 millions d’années, qui ont la particularité d’avoir une symétrie radiaire, bien visible chez les hydres et les méduses. De nombreux groupes cependant ont développé une vie coloniale et édifient des structures souvent raffinées, parfois gigantesques, de nature calcaire ou protéique. Ce sont les exosquelettes portant la colonie et qui constituent l’architecture des récifs coralliens.

Ces derniers sont des haut-lieux de la biodiversité marine. Les coraux abritent des algues unicellulaires avec lesquelles ils vivent en symbiose : les algues leur fournissent, grâce à la photosynthèse, du carbone organique et de l’énergie. Ce sont elles qui disparaissent avec le réchauffement des eaux tropicales et la pollution, et qui entraînent dans leur déclin les coraux par récifs entiers, qui perdent leurs couleurs en mourant. C’est le ‘blanchiment des coraux’. Alain a voulu représenter des coraux fragilisés, un madrépore rongé par la lèpre blanche qui va le condamner, une gorgone à la dentelle altérée. L’artiste s’est donné ici pour mission d’interpeller le public et de le sensibiliser aux conséquences de nos modes de vie, par des images fortes de beauté érodée, qui se passent d’explications.

I am a biologist and have spent many years studying immune mechanisms. However, some 13 years ago I moved to the Zoological Museum of my city to take care of its collections, where I work now for the preservation, inventory and promotion of its impressive scientific heritage which has accumulated over some 250 years. This collection reflects both the unquenchable curiosity of Homo sapiens towards the natural world that surrounds us, and our inclination to destroy it since many of our specimens correspond to extinct species or to species that are threatened by our deeds.

I am always surprised to witness how much these inert artifacts, relics of lost lives, attract numerous artists, photographers, painters, sculptors who try to capture their substance through their work.

My daily environment in the Museum thus combines the two facets of our human civilisations, namely Science and Art, which to my eyes somehow compensate for part of our globally deserved stigma. Science because it drives humans to try to unravel the world in which they have evolved, the infinitely small, molecules, living cells, organisms, natural environments, planet history, but also space, planets, galaxies, the infinitely large, and all the laws that govern these various elements. Art, because it sublimates its beauty and helps us to forget briefly, or on the contrary to realise, that everything around us entails a death inherent in its very existence.

Alain chose to illustrate Cnidaria by picturing a stony coral and a gorgonian, both belonging to groups of magnificent marine organisms which are today threatened by unrestrained human activity. The Cnidaria phylum that evolved some 600 million years ago are animals exhibiting a characteristic radial symmetry that is easily observed in hydra and in jellyfish. Many cnidarian organisms have, however, developed a colonial lifestyle and for this they build calcite or protein structures that are often delicate, sometimes formidable. They are the exoskeletons that harbour the polyp colony and they make up the architecture of the so-called coral reefs which are hotspots of marine biodiversity. Reef coral cells contain single-celled dinoflagellates with which they live in symbiosis. Through their photosynthetic activity, these algae provide corals with organic carbon products and energy. They are the cells that are expelled from coral polyps because of global warming and pollution of tropical seas, which trigger massive coral death and thus lead to ‘coral bleaching’.

Alain wants to illustrate corals that are undermined, a stony coral gnawed at by the white leprosy that is going to doom it, a gorgonian with altered lacework. The artist intends here to challenge the visitor and to confront him with the consequences of our lifestyles, by using powerful displays of eroded beauty, which do not need explanations.